Protéger le lait local en haïti

En Haïti, 65% de la population est rurale et 700 000 familles vivent d’un petit élevage traditionnel. Pourtant le lait est la seconde denrée alimentaire d’importation, ce qui déstabilise l’élevage local.

Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère nord et du continent américain. Cette pauvreté est en partie liée à des politiques publiques qui se sont révélées néfastes, souvent imposées par la communauté internationale … Élimination du cheptel porcin sous prétexte de peste porcine (années 80), embargo nord-américain (1991-94), ouverture totale aux importations nord-américaines de produits alimentaires de première nécessité (riz, lait, œufs), abandon des politiques publiques d’assistance à la production … Avec pour conséquences un petit élevage qui périclite, une émigration et un exode rural important, et un déficit caractérisé en lait.

La dynamique Let Agogo

Dans ce contexte difficile, AVSF soutient l’ONG haïtienne VETERIMED, dans la mise en place d’un réseau de petites laiteries locales. Avec une production et une transformation locale (lait stérilisé en bouteille, lait pasteurisé en sachet, yaourts) ce réseau diffuse ses produits sous la marque « Lèt Agogo » (Du lait en abondance). Il compte aujourd’hui 30 laiteries associées à environ 2 500 petits éleveurs, possédant chacun entre une et huit vaches.

Primé en 2005 comme un des meilleurs projets d’innovation sociale d’Amérique latine, Let Agogo a créé une dynamique. En 2004, l’état Haïtien est devenu partenaire du réseau pour l’approvisionnement d’une cinquantaine d’écoles, et en 2006, plus de 20 000 élèves consommaient ces produits laitiers locaux. Un projet parallèle de soutien à l’achat de vache laitière a permis à plus de 300 femmes de se constituer un cheptel et de générer un revenu de la vente du lait aux laiteries. En 10 ans, le prix moyen payé au producteur a été multiplié par 5 (de 0,08€/L à 0,45€/L). Les petites laiteries emploient plus de 68 personnes et les produits sont accessibles à la population puisque le lait et les yaourts se vendent moitié moins cher que ceux importés.

Dans un contexte toujours difficile, séisme en 2010, ouragan Matthew en 2016, il est vital de préserver une agriculture paysanne en Haïti, grâce à l’achat des produits locaux par les consommateurs, en sensibilisant les autorités aux enjeux de la filière et plaider en faveur d’une augmentation des droits de douanes sur les produits laitiers importés.