Protéger le lait local en haïti

Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère nord et du continent américain. Cette pauvreté est en partie liée à des politiques publiques qui se sont révélées néfastes, souvent imposées par la communauté internationale … Élimination du cheptel porcin sous prétexte de peste porcine (années 80), embargo nord-américain (1991-94), ouverture totale aux importations nord-américaines de produits alimentaires de première nécessité (riz, lait, œufs), abandon des politiques publiques d’assistance à la production … Avec pour conséquences un petit élevage qui périclite, une émigration et un exode rural important, et un déficit caractérisé en lait.

La dynamique Let Agogo

Dans ce contexte difficile, AVSF soutient l’ONG haïtienne VETERIMED, dans la mise en place d’un réseau de petites laiteries locales. Avec une production et une transformation locale (lait stérilisé en bouteille, lait pasteurisé en sachet, yaourts) ce réseau diffuse ses produits sous la marque « Lèt Agogo » (Du lait en abondance). Il compte aujourd’hui 30 laiteries associées à environ 2 500 petits éleveurs, possédant chacun entre une et huit vaches.

Primé en 2005 comme un des meilleurs projets d’innovation sociale d’Amérique latine, Let Agogo a créé une dynamique. En 2004, l’état Haïtien est devenu partenaire du réseau pour l’approvisionnement d’une cinquantaine d’écoles, et en 2006, plus de 20 000 élèves consommaient ces produits laitiers locaux. Un projet parallèle de soutien à l’achat de vache laitière a permis à plus de 300 femmes de se constituer un cheptel et de générer un revenu de la vente du lait aux laiteries. En 10 ans, le prix moyen payé au producteur a été multiplié par 5 (de 0,08€/L à 0,45€/L). Les petites laiteries emploient plus de 68 personnes et les produits sont accessibles à la population puisque le lait et les yaourts se vendent moitié moins cher que ceux importés.

Dans un contexte toujours difficile, séisme en 2010, ouragan Matthew en 2016, il est vital de préserver une agriculture paysanne en Haïti, grâce à l’achat des produits locaux par les consommateurs, en sensibilisant les autorités aux enjeux de la filière et plaider en faveur d’une augmentation des droits de douanes sur les produits laitiers importés.


Les défis de l’élevage au Sénégal

Les zones urbaines et péri-urbaines ont vu apparaître de plus en plus d’industries alimentaires (reconstitution de lait en poudre à partir d’huile végétal de palme, commercialisation de poulets congelés), travaillant à partir de produits importés à bas coûts et souvent de mauvaise qualité.

Une filière laitière locale au Sénégal…

Pour sa production de viande et de lait, l’élevage des bovins est essentiel dans l’économie sénégalaise. Dans la région de Kolda en Casamance, il fournit 20% de la production nationale de lait.

Partant du constat que le système des unités de transformation privées impose trop souvent des prix bas aux éleveurs, AVSF innove en installant des mini-laiteries, associant chacune 30 à 40 éleveurs. Ils collectent le lait eux-mêmes dans un rayon de 15km autour des centres urbains, puis le livrent à la laiterie. Ils sont ensuite rémunérés chaque mois en fonction du volume livré, à un prix fixé selon la saison, en concertation avec tous les acteurs de la filière.

pour des produits locaux et compétitifs

Face à la concurrence du lait en poudre importé, AVSF innove également à la fois par la transformation et le conditionnement. Ainsi, de nouveaux produits peuvent être commercialisés : lait caillé sucré, lait frais pasteurisé, yaourt, thiacry (fromage blanc au couscous de mil)…

La concertation entre les acteurs a permis de fixer des prix profitables à chacun et concurrentiels par rapport aux produits importés. Ainsi, le lait frais pasteurisé et le lait caillé sucré sont vendus à 600 FCFA le litre sur les marchés urbains sénégalais (contre 800 FCFA pour le lait importé). Les prix sont donc compétitifs par rapport aux laits pasteurisés, caillés et concentrés fabriqués à partir de poudres importées (Bridel, Président, Vitalait, Roilait, Best lait, Jet, Ardo et Mamelle Jabot), permettant à l’agriculture familiale locale de prendre graduellement des parts de marché.

Aujourd’hui, soutenir l’élevage paysan et revenir à des produits locaux, semble bien être la meilleure solution pour la sauvegarde de l’élevage familial et pastoral au Sénégal.